19 jan 2017 Fesih et sa vision du monde !
Avant même de le connaître, l’homme contacté sur Couchsurfing s’avère être spontané. Nous lui avions demandé de rester six jours chez lui, sur la ville de Erzurum dans le nord-est de la Turquie, le temps pour nous d’obtenir nos visas pour l’Iran. « Pas de problème ! » nous a-t-il répondu, et de prime en français ! Il faut dire que Fesih a vécu 12 années dans l’Hexagone et qu’il y est resté très attaché. Architecte de son état, il loue maintenant des appartements pour étudiants dans l’immeuble qu’il a réalisé tout près de l’Université.
Fesih fait partie de la communauté kurde. Son village natal se situe plus au sud dans les montagnes à 1 heure 30 de route. Mais ce que nous ne savions pas, lorsqu’il nous installe au rez-de-jardin dans un petit deux pièces qu’il loue à l’un de ses compatriotes, étudiant en droit, c’est qu’il serait au quotidien notre guide dévoué et cela plus de deux semaines durant.
À bord de sa Citroën Berlingo, passe et repasse sans fin un CD Assimil d’apprentissage au français. Il compte sur nous pour l’aider à se perfectionner. Dans cette ambiance studieuse, notre ami nous promène en ville, nous présente son frère, grand promoteur immobilier, son cousin grossiste en quincaillerie ainsi qu’un autre chauffagiste, chez qui nous réparons le câble sectionné de l’éclairage de mon vélo.
Il nous explique son pays et parle des bons souvenirs qu’il a gardés de la France.
Mais avant tout notre ami est un artiste passionné de peinture et c’est tout naturellement qu’il nous conduit à plusieurs reprises à l’école des beaux-arts de l’Université qu’il fréquente régulièrement.
En ce mois de décembre et à 1800 m d’altitude, l’hiver et la neige sont déjà tombés sur la ville. Impossible de flâner nonchalamment à l’extérieur.
Prévenant, notre hôte nous entraîne dans des petits restaurants kurdes, partageant avec nous cette cuisine simple et authentique faite de grillades, de salade et accompagnée de « lavash », ces fines galettes faites de farine, de sel et d’eau.
Malgré notre insistance, nous tentons à plusieurs reprises de régler l’addition, mais en vain.
Alors que nous nous apprêtons à quitter la ville, nos visas iraniens en poche, des événements familiaux nous imposent à suspendre le voyage et de rentrer sur Monaco. Fesih qui devait également s’absenter retarde son vol pour organiser notre départ. Il libère un local afin que l’on puisse y stocker notre matériel. Vélos et sacoches sont ainsi entreposés dans une petite remise sous l’escalier de l’immeuble.
Un mois plus tard, c’est le même Fesih que nous retrouvons devant l’aéroport. L’appartement est maintenant occupé. Qu’à cela ne tienne, notre ami a d’avance réglé notre séjour dans un authentique hôtel kurde au centre de la ville. L’hospitalité n’a-t-elle ici aucune limite ?
Ou notre Fesih est-il un être à part ?
Il est vrai qu’un artiste peintre daltonien comme lui a sa propre vision du monde.
Suffirait-il de le percevoir autrement pour le rendre meilleur ?
Quand on pense que cet homme est entré clandestinement en France, franchissant les montagnes avec l’aide de passeur entre Vintimille et Nice pour au final monter un bar kurde sur la ville de Lyon.
Aujourd’hui, vingt ans après, il cherche à récupérer son argent bloqué sur son compte, mais c’est sans compter avec la BNP qui refuse de lui restituer ses fonds pour d’obscures raisons de preuve d’identité…
Difficile d’imaginer que c’est ce même « migrant » qui depuis plus de deux semaines nous héberge et nous aide sans compter…
Le temps n’est-il pas venu pour chacun de larguer les amarres avec nos certitudes et notre arrogance et d’entamer une grande migration ?
Merci Fesih.