June 21, 2016
Rattraper le retard d’une semaine d’escale forcée à Civitavecchia, tel est notre objectif. La mer encore animée d’une longue houle nous oblige à nous arrêter sur des plages protégées ou dans les ports. La côte défile, nous passons l’aéroport de Rome Fiumicino. Une journée entière à regarder le ciel et les avions qui se succèdent au rythme d’un décollage toutes les 50 secondes. Impressionnant !
Une fois n’est pas coutume, nous longeons les interminables plages. Étrangement, cela n’est en rien monotone. Il y a toujours quelque chose pour retenir l’attention, un village qui surplombe la grande bleue, une rivière, un îlot, un groupe d’hommes le corps à demi immergé et tractant leurs gros râteaux avec lesquels ils font leur moisson de coquillages, les fameuses vongoles qui accompagnent si merveilleusement les spaghettis al dente.
Nombre de navigations se font face au vent et au courant. Il arrive aussi que le vent soit travers à notre route. C’est le moment où nous pouvons sortir nos voiles, histoire de gagner un peu de vitesse et d’alléger la charge. Poussant l’exercice à ses limites, nous découvrons que nous pouvons les utiliser jusqu’à une position travers face, la voile complètement désaxée sur le côté. Nous n’avions jamais poussé l’exercice aussi loin dans les eaux glacées du Groenland. Même sous voile, la navigation n’est pas de tout repos.
Les matinées sont généralement calmes. Nous les prolongeons le plus possible jusqu’à l’arrivée des brises qui amplifient le vent dominant. Il faut savoir jouer avec la pause déjeuner et la retarder le plus possible afin d’optimiser la journée. C’est le temps passé sur l’eau qui fait avancer le compteur. Impossible de connaître à l’avance ce qui nous attend sur la journée. Les conditions changent du tout au tout en fonction de la zone. Un vent de secteur opposé à celui du courant marin transforme la navigation en véritable challenge. Séance rodéo garantie, au point de devoir s’attacher au kayak. Cela fut le cas peu avant la ville de Ostia sur une sortie de rivière. Dans ces cas-là, le reflex est de mettre cap au large pour s’écarter du danger.
Nos journées sont animées par une multitude de détails, les coups de sifflet d’un surveillant de plage qui souhaite nous voir quitter son secteur, la sono d’une autre concession balnéaire poussée au maximum à 9 heures le matin, le bruit des jet skis, les hors-bords qui vous coupent la priorité.
Nous anticipons toujours les traversées des ports à fort trafic. Les cargos et les paquebots de croisières sont lents à leurs entrées et sorties, ce n’est pas le cas des hydroglisseurs et autres mini NGV de liaison de proximité qui accélèrent bien au-delà des vitesses autorisées avant même leur sortie du port. C’est dans ces situations que les voiles s’avèrent fort pratiques, car nous les utilisons systématiquement pour nous signaler.
Mais naviguer au quotidien, c’est aussi tomber sous le charme d’un lieu, d’une région, comme la zone qui s’étend de la ville de Anzio à celle de Gaeta. Faible densité de population, villages perchés dominants des plages désertes, hauts reliefs sauvages, fermes isolées posées sur des collines aux formes arrondies. Et pour ne rien gâcher ces deux villes recèlent de patrimoines historiques et de vestiges.
Avec des levés à cinq heures et des couchés vers vingt-trois heures, nous enchaînons sept jours de navigation lorsqu’une crique sauvage et son sympathique pub nous incitent à prendre une journée de repos, avec l’excuse de laisser passer l’orage.
Progressivement, au fil des jours, l’habitat s’est fait rustique. Maisons basses, décrépies, ville HLM d’une autre époque dans un univers de sable digne des côtes d’Afrique du Nord. Sans nous en rendre compte, nous venons de basculer dans l’Italie du sud. Bienvenue dans la région de Campanie.
Aux portes de Naples, le GPS affiche 913 km. Au franchissement du cap du Faro, nous découvrons la frénésie et l’anarchie maritime des Napolitains. Un coup de vent est annoncé. Nous nous immobilisons au fond de la petite baie de Bacoli, après avoir franchi des centaines d’embarcations au mouillage, toutes bondées de passagers peu vêtus, venus s’abriter en ce lieu protégé ou tout simplement écourter la navigation, car nous dit-on “le pétrole coûte cher! “.
Après deux jours de camping forcé dans la petite concession de mouillage de la Lega Navale, où à dix mètres de la route, des sonos criardes et des coups de klaxon, nous reprenons contact avec ce que l’on appelle « le monde civilisé », nous sommes invités à suivre Riccardo, Lory et Kodec dans leur demeure et dans la ville… À suivre sur “Rencontre “.
A.A.